Joshua, 14 ans : vivre et mourir à Manille

 
Sous le pontJoshua était né le 22 mars 2000, la mère a eu 5 enfants, l’un d’eux est décédé très jeune. Joshua est le plus jeune. La mère est « pédicab », c’est-à-dire quelle conduit un tricycle dont elle est propriétaire. Cela permet de faire difficilement vivre la famille. Ils vivent dans des conditions extrêmement précaires, dans une sorte de tunnel, sous le pont d’une voie à grande circulation. Petit à petit vers l’âge de 7 ans Joshua, quitte l’école qu’il n’a jamais vraiment intégrée et se retrouve rapidement dans la rue, où il gagne un peu d’argent en mendiant. La maman de Joshua et son pédicabC’est à ce moment après environ 1 an dans la rue qu’il entre à Senden Home. Il y passera 2 ans, pendant ce temps, il lui est donné une identité (les plus pauvres ne déclarent pas leurs enfants à l’état civil) et est scolarisé, il se révèle être un enfant attentif et motivé. Pendant ces 2 ans, Rose (l’assistante sociale du foyer) a évalué si Joshua pouvait être réintégré dans sa famille. La maman s’est en effet séparée du père des enfants qui était un homme violent, pour vivre avec un homme qui parait être de confiance, prêt à accepter  les enfants. Il est aussi « pédicab ».

Couloir sous le pontUn logement moins dégradant est obtenu par la famille. Ce n’est cependant pas le grand confort : 8m2 dans un bidonville pour l’équivalent de 60 euros par mois, sans eau ni électricité. Joshua retourne dans sa famille à 10 ans. Senden Home continue à soutenir Joshua qui bénéficie du programme d’aide aux familles. Rose visite la famille tous les mois, Joshua et sa maman se rendent comme toutes les autres familles au foyer, le troisième dimanche du mois.Devant l'entrée du couloir En août dernier Joshua commence à avoir de la fièvre avec une grande fatigue et des saignements. A Manille pour les pauvres l’hospitalisation et les soins du médecin sont gratuits mais il faut payer les examens complémentaires et les traitements. Le diagnostic d’aplasie médullaire est hélas rapidement confirmé. C’est une maladie de la moelle osseuse qui ne produit plus les éléments constitutifs du sang (globules blancs, globules rouges et plaquettes). Cette maladie est très grave, le seul traitement pouvant apporter une guérison serait une greffe de moelle. Ce traitement n’est hélas pas envisageable. L’aplasie médullaire est très rare, une des causes est l’origine toxique; les vapeurs d’essence abondamment respirées sous le pont de la voie rapide en sont une cause probable. Nous rendons visite à Joshua début novembre dans le service d’hématologie pédiatrique. Il est hospitalisé dans la section réservée aux indigents. Les seuls traitements proposés en l’absence de greffe de moelle sont des transfusions. Ces transfusions sont payantes et la maman fait tout son possible pour trouver de l’argent et elle s’endette. Il ne lui a pas été expliqué que ces transfusions ne peuvent en aucun cas guérir, elles ont un effet uniquement palliatif. Le « pédicab » est mis en gage, l’intérêt est de 5% par mois !!! Patrick, le frère de 17 ans est le garde malade, pendant que la maman tente de trouver de l’argent. Il a du arrêter d’aller en classe. Lors de notre visite les 2 enfants n’avaient pas mangé depuis la veille. Les quelques biens de la famille avait été jetés à la rue car le loyer du «logement» n’avait pas été réglé depuis plusieurs mois. Une chaine de solidarité parmi les parrains, marraines et amis de France a permis de parer au plus pressé : faire manger la mère et les enfants, payer les soins médicaux, racheter le gage du « pédicab ». Une longue préparation a permis à la maman d’accepter le caractère inéluctable de la mort de Joshua à brève échéance.

 Joshua est décédé le 06 décembre. Les frais d’obsèques sont d’environ 200 euros. Il faudra aussi payer pour l’emplacement d’une concession.A la Chapelle La maman a donc repris ses démarches pour trouver cette somme. Les amis de  Route Sans Frontière, émus par cette situation, ont payé la majorité de la somme requise ainsi que les loyers impayés.

Une coutume que l’on pourrait trouver insolite, est un bel exemple de solidarité, même si la somme récoltée est minime: pendant une semaine, en attendant l’enterrement, devant la chapelle où est exposé le cercueil, des hommes jouent aux cartes et aux dés. Ils jouent de l’argent, une partie des gains est donnée à la famille pour participer frais d’obsèques (Photo 6).

Ce témoignage nous aide à comprendre la difficulté de la vie et de la mort pour les familles pauvres. La solidarité qui les entoure est un bel exemple.

           Joshua en 2009          Joshua et sa maman      Thumbnail image

 

Joshua en 2009, au foyer, lors de notre première rencontre (Photos 7 & 8). Joshua en Juillet 2014 (Photo 9)

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